Cet homme, par Anamaría Mayol

 

Cet homme était tout ce que je désirais
mais je n’ai pu l’acheter
car il n’avait pas de prix

et les hommes qui se vendent
cessent automatiquement de m’intéresser

je n’ai pu le posséder
car mes bras n’arrivaient pas
à embrasser ses pensées
ses pleurs
ses rires ses passions
ses humeurs introspectives

et c’est une chance

car les hommes que l’on possède facilement
cessent automatiquement de m’intéresser

je n’ai pu le retenir
car si j’ouvrais la fenêtre
il s’envolait avec les oiseaux de l’arbre le plus feuillu
de mon jardin

(il se nichait dans les grands peupliers
orangés de l’automne)

et moi
j’aime avoir
une maison aux fenêtres ouvertes

et les hommes qui ne savent pas voler
comme le dit Girondo
cessent automatiquement de m’intéresser

cet homme était tout ce que je désirais

ma peau entre ses mains était un livre
qui s’ouvrait sur le monde
et dans mon corps il écrivait les carnets
de ses futurs voyages

je le sais car pour m’avoir tant caressée
ma peau est plus douce

et les hommes qui n’aiment pas la peau
d’une femme
cessent automatiquement de m’intéresser

cet homme est parti sans rien dire
je ne sais si je l’ai rêvé

car les hommes que je rêve
sont tellement impossibles
qu’automatiquement ils cessent de m’intéresser

 

[traduit de l’argentin par Silvia Guzzi]

 
*

 

Ese hombre

 
Ese hombre era todo lo que quería
pero no pude comprarlo
porque no tenía precio
y los hombres que se venden
dejan automáticamente de interesarme
no pude poseerlo
porque no alcanzaban mis brazos
para abrazar su intelecto
su llanto
su risa su pasión
su gesto introspectivo
y fue una suerte
porque los hombres fácilmente poseíbles
dejan automáticamente de interesarme
no pude retenerlo
porque si abría la ventana
se iba con los pájaros del árbol más frondoso
de mi patio
(anidaba en los álamos altos
y anaranjados del otoño)
y a mI
me encanta tener
una casa de ventanas abiertas
y los hombres “que no saben volar “
como dice Girondo
dejan automáticamente de interesarme
ese hombre era todo lo que deseaba
mi piel entre sus manos era un libro
que se abría ante el mundo
y en mi cuerpo escribía bitácoras
de sus futuros viajes
lo sé porque de tanto acariciarme
mi piel está más suave
y los hombres que no aman la piel
de una mujer
dejan automáticamente de interesarme
ese hombre se fue sin decir nada
no sé si lo soñé
porque los hombres que sueño
son tan imposibles
que automáticamente dejan de interesarme

 

 

Anamaria Mayol en POEMARIO DE MUJERES

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